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retiré des affaires

Elle me fut bien utile, je vous l’assure, et j’ai plus d’une fois remercié le ciel de vous avoir placé sur ma route.

Lorsque le tramway arriva à Rouen, il faisait déjà nuit. Les flammes des becs de gaz miroitaient dans le brouillard, comme des petites étoiles dans de l’eau trouble.

À l’endroit où nous descendîmes l’agitation était intense. C’est vraiment une ville très animée que la ville de Rouen… C’est aussi une bien belle ville et je regrette que le temps m’ait manqué pour en visiter les monuments, qui sont célèbres, paraît-il, dans le monde entier.

Nous nous mîmes en quête d’un hôtel et finîmes par en découvrir un qui, pour n’être point très luxueux, était du moins des plus pittoresques.

Il se trouvait dans un quartier assez misérable et une rivière aux eaux noires en léchait les fondations. Pour y parvenir il fallait, comme à Venise, traverser un petit pont en dos d’âne et l’on pénétrait alors sous une voûte étroite, décorée de sculptures anciennes et de peintures à demi rongées se craquelant par places et formant en plein cintre de petites stalactites que les courants d’air balançaient mollement.

Cet hôtel s’appelait — si j’ai bonne mémoire — l’hôtel de l’Eau-de-Robec.

La chambre qu’on nous donna était vaste et aérée — un peu trop aérée même — car, bien que la porte et les fenêtres fussent fermées, les rideaux, jadis blancs, mais à présent couleur isabelle, se gonflaient de temps à autre comme les voiles d’un navire. Quant à l’ameublement, il était d’une sobriété monastique et la table, de style Louis XIV, boiteuse comme Mlle de La Vallière.

Le lit, dissimulé au fond d’une alcôve, nous parut assez confortable, bien qu’environné de toiles d’araignée qui ressemblaient à des nids de salanganes.

Une odeur de cuisine mal tenue flottait dans la pièce.

— Pas très chic, notre logement, dit Manzana, lorsque le domestique, un gnome hydrocéphale qui nous avait accompagnés, eut pris congé de nous.