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mémoires d’un cambrioleur

soleil avait disparu, je pris congé du brave Révérend avec une onctueuse politesse et entraînai Manzana vers la sortie du jardin.

— Qu’est-ce qu’il vous racontait donc, cet espèce d’English ? demanda mon associé en riant.

— Des choses très intéressantes, mon cher… Ah ! c’est un excellent cœur, je vous assure, et il serait à souhaiter que nous rencontrions tous les jours de braves gens comme lui… Tenez, il m’a donné sa carte… Il s’appelle le Révérend Patterson… Retenez bien ce nom, Manzana, car c’est celui d’un excellent et digne homme… Mais hâtons le pas, si vous le voulez bien… car j’ai de sérieuses raisons pour ne plus me rencontrer avec lui.

Nous étions sur une large avenue. Un tramway jaune arrêté à une station, devant nous, allait partir pour Rouen.

— Montez, dis-je à Manzana en le poussant sur la plate-forme du véhicule.

— Mais… fit-il en me regardant d’un air inquiet… avez-vous ?…

— Ne vous inquiétez pas de cela, montez vite.

Le tramway partit. Lorsque le receveur vint demander le prix des places, je tirai de ma poche un gros porte-monnaie en cuir noir, l’ouvris d’un geste solennel et en tirai une pièce blanche.

— Voyez, dis-je tout bas à Manzana, il est bien garni. Il y a de l’or et des billets… nous ferons le compte tout à l’heure. N’avais-je pas raison de vous dire que ce Révérend était un brave et digne homme ?

— Vous êtes un type épatant, murmura mon associé en me donnant une petite tape dans les côtes.

Brave pasteur Patterson !… Si ces lignes vous tombent par hasard sous les yeux, veuillez, je vous prie, vous rappeler ces belles paroles de l’Écriture : « Ce qu’on vous ravit, ne le réclamez point » et pardonnez à celui qui vous a, dans un moment de gêne, emprunté votre bourse.