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mémoires d’un cambrioleur

dans les villes que les gens comme nous arrivent le mieux à se débrouiller…

— Vous oubliez que nous avons plusieurs ennemis à nos trousses ; d’abord le cocher que nous avons si brusquement lâché, ensuite la débitante qui doit promener partout le faux billet de cinquante francs et enfin « nos victimes » de l’hôtel d’Albion… Vous supposez bien que cette dernière affaire a dû s’ébruiter…

— C’est vrai, mais personne ne nous a vus. Qui donc nous accusera ? Nos voleurs ?… Ils ne peuvent donner de nous qu’un vague signalement… Nous n’avons à craindre que le cocher et la marchande de vins, mais il y a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour que nous ne les rencontrions pas…

— La marchande de vins, possible, mais le cocher ? Vous pensez bien qu’il doit traîner par toute la ville avec son affreuse guimbarde.

— Il est assez facile de l’éviter… D’ailleurs, s’il nous apercevait, nous aurions le temps de nous enfuir avant qu’il nous ait désignés à un agent…

— Vous devenez tout à fait optimiste, mon cher.

— Ma foi, cela ne vaut-il pas mieux que de voir tout en noir ?

— Certes, répliquai-je, et il est probable que je serais dans le même état d’esprit que vous, si j’avais seulement deux petits billets de cent francs en poche, mais ce qui m’inquiète, ce qui me désespère, c’est cette maudite question d’argent !…

— Il est vrai que c’est assez inquiétant… mais pour résoudre cette question-là, vous êtes sans contredit bien plus habile que moi…

Je ne relevai pas l’allusion.

Il y eut un assez long silence entre nous. Ce fut Manzana qui le rompit.

— Tout cela, dit-il, ne doit pas nous faire oublier nos conventions.

— Quelles conventions ?