Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
mémoires d’un cambrioleur

l’homme. Il respirait à peu près normalement. Quant à la femme, son souffle était imperceptible et je constatai qu’elle était évanouie. Je desserrai un peu la serviette qui lui comprimait le visage, puis revins près de la porte devant laquelle Manzana se tenait accroupi. Je lui touchai l’épaule, il se retourna et nous nous consultâmes du regard. Il eut un petit signe de tête affirmatif et tourna doucement la clef.

Deux secondes après, nous étions dans le couloir. Il était absolument désert. Sans nous presser, de l’air de deux paisibles voyageurs à la conscience tranquille, nous nous engageâmes dans l’escalier.

Au moment où nous atteignions les dernières marches, un vieux monsieur que nous reconnûmes parfaitement, arrivait, accompagné d’un garçon d’hôtel, et nous l’entendîmes qui disait : « Ce n’est pas naturel… Je vous dis qu’ils sont dans leur chambre, je les ai entendus remuer. »

J’avais, rapidement, en apercevant le vieux monsieur, tourné la tête du côté de la muraille et Manzana avait porté la main à son visage.

Cette précaution était, je crois, bien inutile, car le voyageur n’eut même pas l’air de nous remarquer.

Nous traversâmes à pas comptés le vestibule encombré de bagages et de porteurs, mais une fois dehors, nous nous mîmes à courir comme des fous, dans la direction d’un pont, et cinq minutes après, nous étions de l’autre. côté de la Seine.

Alors, seulement, nous respirâmes et, ce fut plus fort que nous, nous nous mîmes à rire aux éclats. Une grosse dame qui passait se figura sans doute que nous nous moquions d’elle et nous traita d’insolents en nous décochant un regard indigné, mais nous ne crûmes pas nécessaire de nous excuser. Nous engageant rapidement dans une rue bordée de docks et de magasins, nous pûmes enfin échanger nos impressions.

— Hein ? me dit Manzana, je crois que cela a été bien joué.