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Il serait en dehors de la gravité de cet écrit d’entrer dans une pareile lutte avec des sentiments personnels d’indulgence ou d’animosité à l’égard des savants. L’auteur des articles évitera également ces deux écueils. Si un passé pénible le garantit du premier, un amour profond de la science, qui la lui fait respecter dans ceux qui la cultivent, assurera contre le second son impartialité.

Il est pénible dans les sciences de se borner au rôle de critique : nous ne le ferons que contraint et forcé. Quand nos forces nous le permettront, après avoir blâmé, nous indiquerons ce qui à nos yeux sera mieux. Nous aurons souvent ainsi l’occasion d’appeler l’attention du lecteur sur les idées nouvelles qui nous ont conduit dans l’étude de l’analyse. Nous nous permettrons donc de l’occuper de ces idées, dans nos premiers articles, afin de n’avoir point à y revenir.

Dans des sujets moins abstraits, dans les objets d’art, il y aurait un profond ridicule à faire précéder un ouvrage de critique par ses propres œuvres : ce serait avouer par trop naïvement ce qui est presque toujours vrai au fond, que l’on se prend pour le type auquel on rapporte les objets pour les juger : mais ici, il ne s’agit pas d’exécution, il s’agit des idées les plus abstraites qu’il soit donné à l’homme de concevoir ; ici critique et discussion deviennent synonymes, et discuter, c’est mettre aux prises ses idées avec celles des autres.

Nous exposerons donc, dans quelques articles, ce qu’il y a de plus général, de plus philosophique, dans des recherches que mille circonstances ont empêché de publier plus tôt. Nous les présenterons seules, sans complications d’exemples et de hors-d’œuvre, qui chez les analystes noyent d’ordinaire les conceptions générales. Nous les exposerons surtout avec bonne foi, indiquant sans détour la voie qui nous y a conduit, et les obstacles qui nous ont arrêté. Car nous voulons que le lecteur soit aussi instruit que nous des matières que nous aurons traitées. Quand ce but aura été rempli, nous aurons conscience d’avoir bien fait, sinon par le profit qu’en retirera directement la science, du moins par l’exemple donné, d’une bonne loi qu’on n’a pas trouvé jusqu’à ce jour.