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les transformations algébriques prévues par les spéculations des analystes ne trouveront plus ni le tems ni la place de se reproduire ; à tel point qu’il faudra se contenter de les avoir prévues : je ne veux pas dire qu’il n’y a plus rien de nouveau pour l’analyse sans ce secours : mais je crois qu’un jour sans cela tout serait épuisé.

Sauter à pieds joints sur les calculs ; grouper les opérations, les classer suivant leurs difficultés et non suivant leurs formes ; telle est, suivant moi, la mission des géomètres futurs ; telle est la voie où je suis entré dans cet ouvrage.

Il ne faut pas confondre l’opinion que j’emets ici, avec l’affectation que certaines personnes ont d’éviter en apparence toute espèce de calcul, en traduisant par des phrases fort longues ce qui s’exprime très brièvement par l’algèbre, et ajoutant ainsi à la longueur des opérations, les longueurs d’un langage qui n’est pas fait pour les exprimer. Ces personnes sont en arrière de cent ans.

Ici rien de semblable [1] ; ici l’on fait l’analyse de l’analyse : ici les calculs les plus élevés [les fonctions elliptiques [2]] exécutés jusqu’à présent sont considérés comme des cas particuliers, qu’il a été utile, indispensable de traiter, mais qu’il serait funeste de ne pas abandonner pour des recherches plus larges. Il sera tems d’effectuer des calculs prévus par cette haute analyse et classés suivant leurs difficultés, mais non spécifiés dans leur forme, quand la spécialité d’une question les réclamera.

La thèse générale que j’avance ne pourra être bien comprise

  1. Chevalier, dans sa copie, a supprimé cette phrase : « Ici rien de semblable » et a placé cet alinéa avant le précédent. C’est ainsi qu’il est, en effet, placé dans le texte de Galois ; mais, d’une part, les mots « Ici rien de semblable » ne sont nullement biffés dans le manuscrit ; ils ont, au contraire, été ajoutés en interligne ; d’autre part, ils sont précédés d’un astérisque suivi d’un trait (assez peu distinct) dont l’extrémité indique sans doute la place où l’alinéa doit être placé ; à cette place, les mots supprimés par Chevalier ont un sens très clair ; ils n’en ont pas quand on laisse le second alinéa avant le premier : c’est évidemment la raison pour laquelle Chevalier les a supprimés.
  2. On sait assez que le second Mémoire est perdu : toutefois, il subsiste un morceau (non daté) où Galois traite de la division de l’argument dans les fonctions elliptiques et dont le contenu correspond assez bien à l’indication du texte ; on peut donc supposer que ce morceau pouvait rentrer dans l’ensemble que Galois voulait publier. Il sera publié dans un second article.