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cet antique portrait de châtelaine pendu dans la chambre de mon père. Et toi, ma pauvre Gabrielle, outre que ces manches courtes ne sont guère de saison, il me semble qu’à ta place je ne serais pas empressée de montrer à M. de Vaudrey ces poignets brûlés au soleil.

Gabrielle rougit comme si l’on eût deviné son secret, et baissa vivement les yeux ; mais, ne voyant rien qui ne se pût montrer dans la légère teinte d’ambre qui recouvrait la naissance de sa jolie main, elle se rassura et répondit sous forme de représailles :

— Puisque tu nous donnes de si charitables conseils, permets-nous, Henriette, d’en émettra un à ton usage, car c’est sans doute aussi pour plaire à M. de Vaudrey que tu t’es badigeonné les joues de cette belle façon. Nous disions ce matin, Renée et moi, que ta pâleur habituelle seyait beaucoup mieux au type distingué de ta figure que ces grosses couleurs villageoises.

Henriette se mordit les lèvres et jeta à ses sœurs un regard de colère.

— Vous mentez, s’écria-t-elle, je n’ai jamais mis de rouge.

— C’est donc, reprit Renée avec une douce malice, que le seul plaisir de voir M. de Vaudrey te donne cette bonne mine ?

La conversation engagée de cette manière menaçait de s’envenimer de plus en plus ; mais en cet instant un roulement de voiture se fit entendre, et les trois sœurs mues ensemble par la même curiosité, se levèrent sur la pointe des pieds pour voir par dessus le mur la voiture qui passait elles se rassirent aussitôt, n’ayant entrevu dans le chemin qu’un lourd chariot traîné par des bœufs.