Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.

marche onduleuse et mélancolique révélait une pensée d’amour presque douloureuse.

Inquiète de n’avoir pas entrevu M. de Vaudrey de toute l’après-midi, elle était venue dans l’espoir de le rencontrer mais quand elle le vit, avec la dissimulation naturelle aux femmes en pareille circonstance, elle cacha sa joie sous un air préoccupé.

— Monsieur Paul, demanda-t-elle, n’auriez-vous point vu mes sœurs ?

— Non, je ne les ai pas aperçues, répondit M. de Vaudrey ; mais je vous en prie, Gabrielle, restez un moment, je voudrais vous parler ; et, lui prenant la main, il la fit asseoir à côté de lui sur le banc de gazon.

— Eh bien qu’avez-vous donc à me dire de si solennel ? lui dit Gabrielle remarquant sa figure sérieuse.

Depuis longtemps M. de Vaudrey ne s’était senti aussi ému, et il se crut décidément amoureux. Pendant un instant, il s’arrêta à contempler Gabrielle. C’était en ce moment une suave et poétique créature : ses beaux cheveux bruns, défrisés par la rosée du soir, tombaient jusque sur son sein qui palpitait sous le regard admirateur de Paul ; les rayons dorés du couchant faisaient resplendir sa brillante carnation, et illuminaient la nacre pure et bleuâtre de ses yeux, empreints tout à la fois de pudeur et de volupté ; son sourire modelait, sur ses joues, de fraîches et gracieuses fossettes. En la voyant si séduisante, M. de Vaudrey ne put s’empêcher de s’écrier :

— Ô ma Gabrielle, que tu es belle !

Cette exclamation causa à la pauvre enfant comme un étourdissement ; mais pour