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nos infortunes et sur les dangers qui menacent encore notre malheureux pays. Je venais de m’endormir, l’âme agitée, inquiète, lorsqu’une apparition étrange, fantastique, épouvantable, se dressa devant moi.

C’était un monstre immense, une hydre, non pas l’hydre à cent têtes, mais une hydre avec des millions de têtes, dont les yeux sanglants, menaçants, terribles, se fixaient sur moi, dont les gueules béantes dardaient des langues de flamme. Et, sous le ventre du monstre, des millions de bras, armés de griffes aiguës, tenaces, s’étendaient, rampaient, couvraient, embrassaient le monde pour l’étouffer dans leur hideuse étreinte. Mais bientôt, en face de cette hydre colossale, m’apparut, s’apprêtant à la combattre, une nuée de Lilliputiens. Des généraux, en ordre de bataille, agitaient des oriflammes où se lisaient : Wissembourg, Frœschwiller, Forbach, Sedan, Metz, Orléans, Pontarlier, Paris. Et derrière ces généraux, toute une armée de bons et gros bourgeois, pansus, goutteux, cacochymes, ouvrant des yeux effarés ou furieux. Tu t’y trouvais, Furibus. J’y étais également ; et ma foi ! nous faisions là tous deux piteuse grimace. Tremblant de peur, tu t’accrochais à mon bras qui tremblait aussi. Mais, pour dissimuler leur terreur, tous ces guerriers improvisés trépignaient, vociféraient, hurlaient.

— Sus au monstre ! criaient-ils, luttons, battons-nous !

— Quel est donc ce monstre ? demandai-je,