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dans l’intimité, ils traitaient tout au plus d’aimables fredaines, de galantes peccadilles.

La propriété ! Sur cette grave question seulement ils étaient de bonne foi, tout à fait conséquents et intraitables.

Cependant Prudence et Furibus ne pensaient pas sur tous les points exactement de même. Cela tenait à la différence de leurs caractères.

Prudence était doux, calme, voire même un peu philosophe et raisonneur.

Furibus était, au contraire, vif, emporté, bouillant. Trop peu réfléchi pour se former une opinion à lui, il admettait les idées toutes faites du milieu bourgeois où s’était écoulée son existence.

Mêmes contrastes au physique qu’au moral.

Prudence était grand, maigre, pâle. Ses joues creuses, ses rides sévères, ses yeux enfoncés sous l’orbite lui donnaient l’air méditatif. En cet instant, un pli profond entre les deux sourcils attestait une préoccupation inquiète et pénible.

Furibus, lui, était petit, replet. Son ventre s’étalait plantureusement de l’un à l’autre bras du fauteuil. Dans sa face rebondie et vermillonnée brillaient des yeux lumineux et durs.

Donc les deux amis jouaient au tric-trac.

À côté d’eux, mademoiselle Virginie Furibus, frêle et pâle comme toutes les jeunes filles élevées dans l’oisiveté, travaillait distraitement à un ouvrage de broderie. De temps à autre, elle levait sur les joueurs un regard ennuyé.