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un domestique entra et lui remit une dépêche télégraphique.

— Bon ! dit-il, une dépêche du directeur de mon usine, une nouvelle tuile qui me tombe sur la tête : un rouage brisé sans doute, une machine éclatée.

Il déploya fiévreusement le papier.

La dépêche était ainsi conçue :

« Les ouvriers se sont mis en grève ; ils demandent un franc de plus par jour et une heure de travail de moins. »

À cette lecture, et malgré sa goutte, Furibus se leva. La colère avait vaincu la douleur. Il était blême, avec de larges plaques rouges. Les yeux semblaient lui sortir de la tête. Il suffoquait, et il ne put d’abord articuler que ces mots :

— Virginie, ma cravate… de l’air… de l’eau… j’étouffe !… Ma goutte !… Au secours !…

Virginie et Prudence s’empressèrent à le secourir.

— Ah ! je vais mieux ! Ce n’est rien, dit-il enfin. Vite, une plume ! une plume !

Il écrivit :

« Ne cédez pas un centime ! pas une minute ! »

— Porte cela, ordonna-t-il à Virginie.

— Voyons ! as-tu bien réfléchi ? demanda Prudence, qui arrêta le papier.

— Est-il besoin de réflexion ? Je ne veux pas céder, voilà tout. Je briserais plutôt mes machines de mes propres mains.

— Alors tu laisserais chômer ton usine ?