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plus dangereux de tous : c’est le loup qui revêt la peau du mouton. »

— Alors, selon toi, il vaut mieux appauvrir les pauvres ?

— Ta, ta, ta ! est-ce que je dis cela ?

— En effet, ces choses-là ne se disent pas ; on se contente de les faire.

— Ah çà ! ah çà ! s’écria Furibus, stupéfait, en se soulevant à demi sur ses mains qu’il appuyait sur la table de tric-trac, est-ce que, par hasard, mon ami Prudence serait devenu… démocrate, républicain, socialiste ?…

— Je ne suis rien de tout cela ; je suis un bourgeois comme toi. Je cherche simplement les moyens de conserver nos fortunes, d’assurer notre sécurité. Or, je crois qu’il est plus que temps de nous occuper de ceux qui souffrent, et que c’est à la bourgeoisie de prendre l’initiative des justes réformes.

— Nous payons des députés, des hommes d’État, pour faire nos affaires. Cela ne me regarde pas.

— Cela ne te regarde pas ! Hélas ! c’est cette indifférence, cet aveuglement volontaire, qui perdront la bourgeoisie ! Cela ne te regarde pas ! Que celui dont le travail te nourrit et fournit à ton luxe, mange ou ne mange pas, cela ne te regarde pas ? Et la solidarité, mon cher ?

— La solidarité ! s’écria Furibus, dont l’œil étincela, dont les joues empourprées semblèrent prêtes à éclater, vas-tu à présent me parler de solidarité ! Pourquoi pas aussi de fraternité ? C’est avec ces grands mots