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Sur un des bords du lac, un large espace, que la hache avait tout récemment dégarni des arbres qui le couvraient, était entouré d’une épaisse et forte palissade composée des troncs d’arbres abattus. Ces troncs, assez profondément enfoncés dans la terre pour composer une enceinte inébranlable, étaient encore liés les uns aux autres avec des courroies de cuir de buffle découpées dans des peaux encore fraîches et qui, desséchées et raccourcies par le soleil, donnaient à cette construction autant de solidité que des clous ou des crampons de fer.

Cette estacade, à peu près ovale comme les cirques romains, ne présentait qu’une seule et étroite ouverture, terminée de chaque côté par un pieu dans la longueur duquel on avait pratiqué de larges trous de distance en distance. Dans chacun des trous de l’un de ces pieux reposait, par un de ses bouts, une forte barre de bois qu’il n’y avait plus qu’à pousser pour la faire entrer dans le trou correspondant du pieu voisin. Telle était la barrière qui devait servir à fermer l’ouverture. Pour ne pas effrayer les chevaux sauvages par l’aspect des travaux de l’homme, les vaqueros chasseurs avaient déguisé le mieux possible l’enceinte, en la couvrant d’herbes et de branchages verts.

On conçoit sans peine que de pareils préparatifs avaient demandé les quinze jours qui s’étaient écoulés depuis la remise forcée de cette partie de chasse.

Parmi les douze hommes qui se reposaient non loin du Lac-aux-Bisons, il y en avait quatre qui n’appartenaient pas à l’hacienda del Venado, ce qu’on pouvait hardiment conjecturer au premier abord. Au lieu du costume national que portaient les vaqueros de don Augustin, ces quatre personnages, suivant l’habitude de gens qui passent leur vie sur les limites indécises des blancs et des Indiens, avaient emprunté leurs vêtements à ces deux races ennemies.

Le soleil, en bronzant leur teint, avait si bien complété