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que ses yeux se mouillaient en voyant le Canadien, le corps baissé, le genoux incliné devant le pirate du désert ; c’est trop s’humilier en face d’un bandit sans foi comme sans entrailles. Venez, Bois-Rosé, nous en aurons raison, dussent cent mille diables… »

À ces mots, l’impétueux chasseur, emporté par l’affection qu’il avait vouée à Fabian, et surtout par la fervente amitié pour le Canadien, s’élança comme un chamois sur le flanc de l’éminence.

« Ah ! c’est ainsi, » s’écria le métis ; et il ajusta Bois-Rosé, qui implorait la compassion pour son fils.

Mais la pluie continuait à tomber à flots si pressés que le chien du fusil frappa vainement sur la batterie sans enflammer l’amorce. Deux fois d’inutiles étincelles jaillirent de la pierre.

Révolté par cette atroce et perfide tentative contre un ennemi suppliant et désarmé, n’espérant plus rien de sa pitié, Bois-Rosé suivit les traces de Pepe, sans plus calculer que lui le nombre des ennemis que les rochers pouvaient encore cacher. Le Canadien descendait encore la colline que déjà Pepe, son poignard à la main, tournait l’enceinte du val d’Or.

« Accourez, Bois-Rosé, cria la voix de l’Espagnol, qui venait de disparaître derrière la chaîne de rochers ; les coquins ont vidé la place et se sont enfuis. »

C’était vrai ; et au même moment le métis, resté seul, commençait à battre en retraite vers le sommet des Montagnes-Brumeuses.

« Arrête, si tu n’es pas aussi lâche que féroce, dit le Canadien qui voyait, en frémissant, le ravisseur de Fabian échapper à sa vengeance.

– Sang-Mêlé n’est pas un lâche, répondit le métis en reprenant ses habitudes indiennes ; l’Aigle des Montagnes-Neigeuses et l’Oiseau-Moqueur se rencontreront une troisième fois, et alors ils auront le sort du jeune guerrier du Sud, autour duquel les Indiens vont danser,