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hideux que sa peinture de guerre rendait plus effrayant encore que le tigre lui-même.

« Ah ! je m’en doutais, dit Bois-Rosé. Eh bien, que nous fera l’Oiseau-Noir ?

– Je vais vous le dire, répondit le métis, qui se retourna vers son terrible allié. Que fera l’Oiseau-Noir à l’Aigle, au Moqueur et au guerrier du Sud ? Que mon frère me réponde à voix basse, lui dit-il, pour que je transmette sa réponse.

– Trois choses, répondit l’Apache avec une horrible précision. Ils seront d’abord les chiens de sa hutte ; il fera ensuite sécher leur chevelure à son foyer ; puis il donnera leur cœur à manger à ses guerriers : car ce sont trois braves, et leur courage passera dans le cœur de ceux qui auront goûté du leur. »

Telle est encore aujourd’hui, au milieu du dix-neuvième siècle, l’aménité des mœurs indiennes dans les Prairies, et tel eût été le sort réservé aux trois chasseurs, s’ils se fussent confiés à la parole du métis. Et cependant aujourd’hui encore, à l’heure où nous retraçons ce récit, les Prairies sont sillonnées d’un grand nombre d’aventureux chasseurs qui après avoir goûté cette vie de périls, n’y peuvent plus renoncer. Cela se conçoit. Que sont les mesquines émotions de l’existence civilisée auprès de ces puissantes émotions de la vie sauvage ? Nous pouvons le dire, nous qui les avons goûtées, qui bien des fois nous sommes endormis sans savoir si nous nous, réveillerions : elles sont ce que serait au palais journellement enflammé par le piment des Antilles ou le curry de l’Inde, le régime insipide des châtaignes tendres et du lait écumeux des bergers de Virgile.

« Bon, dit le métis après avoir attentivement écouté les paroles de son allié ; El-Mestizo traduira fidèlement les instructions de son frère. »

Et le brigand, se retournant vers Bois-Rosé, essaya