Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

– Non, peut-être n’auriez-vous pas le temps de remonter dans votre citadelle. Les Indiens sont maîtres de la plaine ; nos compagnons ont été presque tous massacrés. J’ai pu à peine échapper au carnage.

– Nous avons entendu la fusillade, dit Pepe.

– Ne m’interrompez pas, reprit Diaz, le temps presse. Le hasard m’a fait rencontrer tout à l’heure un coquin que vous n’auriez pas dû laisser échapper : c’est Baraja. Il conduit vers vous deux pirates de ces déserts et des Indiens apaches que je n’ai pas eu le temps de compter. Je n’ai pu prendre sur eux que quelques minutes d’avance. Ils sont sur mes pas. Adieu ! vous m’avez épargné quand j’étais votre prisonnier ; puisse l’avis que je vous transmets acquitter ma dette envers vous ! Quant à moi, je cours avertir à quelque distance d’ici des amis également en danger, car les forbans qui me suivent ne dissimulent pas leurs projets. Si vous leur échappez, gagnez la fourche de la Rivière-Rouge, et là vous trouverez des braves qui… »

Une flèche décochée par une main invisible passa en sifflant tout près de Diaz et l’interrompit. Le temps pressait en effet, et, après avoir jeté cet avis incomplet, l’aventurier piqua des deux en criant d’une voix retentissante, comme dernier avertissement à ses amis et comme dernière bravade aux ennemis qui venaient derrière lui :

« Sentinelle, prenez garde à vous ! »

Et l’écho répétait encore ce cri d’alarme, que déjà Diaz avait disparu dans les ténèbres au milieu de l’immense solitude. En même temps des loups hurlèrent de différents côtés dans la plaine.

« Ce sont les Indiens, dit Bois-Rosé ; ils ont vu des loups occupés à dépecer le cadavre de ce cheval là-bas, ils imitent leur voix pour s’avertir ; mais les démons ne peuvent tromper de vieux chasseurs comme nous. »