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Le chasseur et Pepe l’eurent bientôt rejoint.

« L’avez-vous trouvé ? s’écria l’ex-carabinier.

— Le trésor, mais non pas l’homme. Voyez, dit simplement Fabian en écartant avec sa carabine le réseau de lianes qui masquaient la vue du vallon.

— Quoi ? demanda Pepe, ces pierres étincelantes…

— C’est l’or pur, ce sont les trésors que Dieu cache depuis des siècles.

— Jésus Dieu ! s’écria Pepe frappé de stupeur ; puis, l’œil ardemment fixé sur cet amas fascinant de richesses étalées devant lui, il tomba sur un genou. Des passions, depuis longtemps foulées aux pieds, semblèrent refluer jusqu’à son cœur ; une transformation complète s’opérait en lui, et l’expression sinistre de son visage pâle rappela tout à coup celle du bandit qui, vingt ans auparavant, avait marchandé le prix du sang.

« À présent, continua Fabian, qui regardait d’un air mélancolique les jeux de la lumière sur les cailloux d’or, en pensant que toutes ces richesses ne valaient pas pour lui un sourire, un regard de celle qui l’avait dédaigné, je m’explique comment les deux rivières dans leur crue annuelle, et les torrents qui descendent des Montagnes-Brumeuses, en couvrant cet étroit vallon, y charrient chacun de leur côté l’or des placers et l’or des collines : la position de ce val est peut-être unique dans le monde. »

Mais l’Espagnol n’écoutait pas la voix de Fabian ; les richesses, que la rude leçon qu’il avait reçue, que la vie d’indépendance et de bonheur sauvage qu’il goûtait depuis dix ans lui avaient appris à dédaigner, reprenaient tout à coup leur terrible empire sur lui.

Comme une de ces passions funestes qui, mal assoupies encore dans le cœur qu’elles ont déchiré, se réveillent aussi violentes que jamais sur un mot, sur un souvenir fortuit, la passion de l’or surgissait subitement dans l’âme du chasseur avec une nouvelle force à la vue de ces trésors.