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Ces renseignements reçus, le Canadien rafraîchit une seconde fois le crâne enflammé du blessé à l’aide d’une nouvelle aspersion d’eau fraîche, et le malheureux, momentanément soulagé, puis affaibli par ses émotions et la perte de son sang, tomba dans un sommeil presque léthargique.

« Maintenant, dit le Canadien, pensons à nos affaires et tâchons de nous bâtir un rempart plus à l’épreuve des balles ou des flèches que cette bordure mouvante de feuilles et de roseaux. Avez-vous compté combien il y avait de carabines entre les mains de ces Indiens ?

— Sept, si je ne me trompe, répondit l’ex-miquelet.

— Il y en a donc dix d’entre eux qui sont moins à craindre. Voyons, les coquins ne peuvent nous attaquer sur ce radeau, ni à droite ni à gauche, en suivant le fil de l’eau. Il ne faut prévoir une attaque que des deux rives, car peut-être ont-ils été faire un détour pour traverser la rivière et nous prendre entre deux feux. »

Le côté de l’îlot opposé à la rive sur laquelle les Indiens s’étaient montrés était suffisamment défendu par d’énormes racines hérissées comme des chevaux de frise ou les pieux d’un retranchement ; mais le côté où l’attaque allait probablement recommencer n’était défendu que par une ceinture épaisse de roseaux et de pousses d’osiers.

Grâce à la vigueur peu commune de ses bras, le Canadien, aidé de Pepe, put arracher aux deux extrémités de l’îlot qui faisaient face au cours de la rivière quelques grosses branches desséchées, et des troncs d’arbres plus récemment échoués. Peu de minutes suffirent aux deux habiles chasseurs pour garnir le côté le plus faible et le plus menacé d’un retranchement grossier, mais solide, et qui pouvait épargner plus d’une atteinte mortelle aux défenseurs de l’îlot.

« Voyez-vous, Fabian, disait Bois-Rosé, vous serez aussi à l’abri derrière ces troncs d’arbres que dans une