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— C’est quand ils sont de bonne humeur ; car il est très-rare qu’ils ne soient pas contents quand ils ont fait quelques prisonniers. Ainsi, le malheur voulût-il que vous tombassiez entre leurs mains, ami Baraja, priez Dieu que les Apaches soient d’humeur joviale, ce jour-là, et vous en serez quitte pour un supplice atroce, mais du moins fort court.

— Cinq ou six minutes, je suppose !

— Cinq ou six heures, quelquefois plus, mais… »

Benito fut interrompu par l’arrivée d’Oroche.

« Seigneur Diaz, dit ce dernier, don Estévan a besoin de vous entretenir un instant, et vous prie de passer jusqu’à sa tente. »

Diaz se leva et suivit Oroche, laissant Baraja et Benito continuer leur conversation.

« J’ai remarqué l’air soucieux de don Estévan, dit Benito. Quoiqu’il n’ait jamais été bien gai depuis le départ de l’hacienda, et surtout depuis le moment où ce jeune homme a été précipité dans le torrent par son cheval, il m’a semblé aujourd’hui plus préoccupé que d’habitude. »

Baraja n’était pas sans quelque remords de conscience à cette occasion, car si l’on se rappelle le rapport de Pepe le Dormeur au Canadien, l’aventurier avait été un de ceux qui avaient fait feu à leur tour sur l’Espagnol et sur Fabian. Il détourna donc la conversation pour la reprendre au point où elle avait été interrompue.

« Vous disiez donc, répéta-t-il, que ce supplice durait cinq ou six heures, quelquefois plus, mais…

— Mais jamais moins. Vous allez, du reste, juger d’après mon récit, que six heures de supplice valent quelquefois mieux que vingt-quatre, car, de tous les genres de mort, le plus cruel est de mourir de peur.

— Au diable vos histoires ! s’écria Baraja : je ne sais pourquoi j’ai la manie de vous interroger ainsi.