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çaient à se colorer d’une teinte rose indiquaient que le soleil était aux deux tiers de sa course.

Au milieu de l’immensité du ciel, dont l’azur foncé disparaissait çà et là sous des groupes de vapeurs légères, un aigle aux ailes immobiles planait au-dessus du désert. C’était le seul habitant des plaines de l’air.

Du point élevé où le roi des oiseaux se balançait majestueusement, son œil perçant pouvait apercevoir, sur la surface de plaines immenses, des créatures humaines, les unes réunies, les autres à une assez grande distance pour n’être visibles qu’à lui seul, et ne pas se voir les unes les autres.

Perpendiculairement au-dessous de lui s’étendait une espèce de cirque irrégulier, formé par une haie naturelle de grands cactus aux pointes aiguës et de nopals épineux. Quelques rares buissons de fer mêlaient leur pâle feuillage aux nopals et aux cactus.

À l’une des extrémités de cette enceinte un mamelon élevé de quelques pieds, dont le sommet était aplati, la dominait de tous les côtés. Puis, tout autour de ce retranchement, à la construction duquel la main de l’homme était étrangère, s’étendaient des terrains calcaires, des landes sablonneuses ou une succession de petites collines, qui semblaient autant de vagues immobiles dans cet océan de sable.

Une troupe, composée de soixante cavaliers environ, avait mis pied à terre dans l’enceinte. Les flancs des chevaux fumaient comme après une marche forcée. C’était un bruit confus de cris, de hennissements de chevaux, de cliquetis d’armes de toute espèce, car ce corps de cavalerie ne paraissait pas être régulier. Des lances aux banderoles rouges et flottantes, des mousquets, des carabines, des fusils à deux coups étaient encore attachés à l’arçon des selles. Parmi les cavaliers, les uns pansaient leurs chevaux ; d’autres, couchés sur le sable, à l’ombre rare des cactus, ne songeaient qu’à se reposer avant tout