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de Mlle Lacheneur avait suffi pour lui faire oublier sa déférence accoutumée aux volontés paternelles.

— Ce soir, lui avait-elle dit, je connaîtrai vraiment votre cœur !…

Qu’est-ce que cela signifiait ?… Doutait-elle donc de lui ?…

Torturé par les plus douloureuses anxiétés, le pauvre garçon n’avait pu se résoudre à s’éloigner sans une explication, et il avait rôdé autour du château de Sairmeuse, espérant que Marie-Anne reparaîtrait.

Elle reparut, en effet, mais au bras de son père.

Le jeune d’Escorval les suivit de loin, et bientôt il les vit entrer au presbytère. Qu’y allaient-ils faire ? Il savait que le duc et son fils s’y trouvaient.

Le temps qu’ils y restèrent, et qu’il attendit sur la place lui parut plus long qu’un siècle.

Ils sortirent, cependant, et il s’avançait pour les aborder, quand il fut prévenu par Martial dont il entendit les promesses.

Maurice ne connaissait rien de la vie, son innocence était, autant dire, celle d’un enfant, mais il ne pouvait se méprendre aux intentions qui dictaient la démarche du marquis de Sairmeuse.

À cette pensée que le caprice d’un libertin osait s’arrêter sur cette jeune fille si belle et si pure, qu’il aimait de toutes les forces de son âme, dont il avait juré qu’il ferait sa femme, tout son sang afflua à son cerveau.

Il se dit qu’il se devait de châtier l’insolent, le misérable…

Heureusement — malheureusement peut-être — son bras fut arrêté par le souvenir d’une phrase qu’il avait entendu mille fois répéter à son père :

« Le calme et l’ironie sont les seules armes dignes des forts. »

Et il eut assez de volonté pour paraître de sang-froid, quand, en réalité, il était hors de lui. Ce fut Martial qui s’emporta et qui menaça…

— Ah ! oui… je te retrouverai, fat !… répétait Mau-