Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dée de jeter le bol au feu, d’attendre et de payer d’audace…

Mais non !… une ressource restait… le cabinet de toilette… Elle s’y précipita.

Elle avait si bien attendu à la dernière seconde, qu’elle n’osa pas refermer la porte : le seul claquement du pêne dans sa gâche l’eût trahie.

Elle devait s’en applaudir, l’entre-bâillure lui permettant de mieux voir et de tout entendre.

Marie-Anne rentrait, suivie d’un jeune paysan qui portait un gros paquet.

— Ah ! voici ma lumière, s’écria-t-elle dès le seuil, le contentement me fait perdre l’esprit ; j’aurais juré que je l’avais descendue et posée sur la table, en bas.

Mme Blanche frémit. Elle n’avait pas songé à cette circonstance !

— Où faut-il mettre ces hardes ? demanda le jeune gars.

— Ici, répondit Marie-Anne, je les rangerai dans le placard.

Le brave paysan déposa son paquet et respira bruyamment.

— Voilà donc le déménagement fini, s’écria-t-il. Ç’a été fait lestement, j’espère, et personne ne nous a vus. Maintenant, notre monsieur peut venir…

— À quelle heure se mettra-t-il en route ?

— On attellera à onze heures, comme c’était convenu… Ah ! il lui tarde joliment d’être ici ; il y sera vers minuit…

Marie-Anne consulta de l’œil la magnifique pendule de la cheminée.

— J’ai donc encore trois heures devant moi, dit-elle… c’est plus qu’il ne faut. Le souper est prêt, je vais dresser la table, là, devant le feu… Dites-lui qu’il m’apporte un bon appétit.

— On lui dira… Et vous savez, mademoiselle, bien des remercîments d’être venue à ma rencontre et de m’avoir aidé au second voyage. Ce que j’apportais n’était pas lourd, mais c’était si embarrassant !…