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rendre la pension à deux autres, jamais il ne sort, jamais il ne va en soirée…

Il s’arrêta, et pendant un bon moment, la jeune femme garda le silence, émue et confuse de la question qui lui montait aux lèvres. Quelle humiliation !… Mais elle surmonta sa honte, et plus rouge que le feu, détournant un peu la tête :

— Il est impossible qu’il n’ait pas une maîtresse !… dit-elle.

Chupin éclata de rire.

— Nous y voici donc !… fit-il avec une si outrageante familiarité que la jeune femme en fut révoltée, vous voulez parler de la fille de ce scélérat de Lacheneur, n’est-ce pas, de cette coquine effrontée de Marie-Anne ?

À l’accent haineux de Chupin, Mme Blanche comprit l’inutilité de ses ménagements.

Elle ignorait encore que l’assassin exècre sa victime, uniquement parce qu’il l’a tuée.

— Oui, répondit-elle, c’est bien de Marie-Anne que j’entendais parler.

— Eh bien !… ni vu ni connu, il faut qu’elle ait filé, la gueuse, avec un autre de ses amants, Maurice d’Escorval.

— Vous vous trompez…

— Oh !… pas du tout !… De tous ces Lacheneur, il n’est resté ici que le fils Jean, qui vit comme un vagabond qu’il est, de pillage et de vol… Nuit et jour, il erre dans les bois, le fusil sur l’épaule. Il est effrayant à voir, maigre autant qu’un squelette, avec des yeux qui brillent comme des charbons… S’il me rencontrait jamais, celui-là, mon compte serait vite réglé…

Mme Blanche avait pâli… C’était Jean Lacheneur qui avait tiré sur le marquis de Courtomieu… elle n’en doutait pas…

— Eh bien ! moi, dit-elle, je suis sûre que Marie-Anne est dans le pays, à Montaignac probablement… Il me la faut, je la veux ! Tâchez d’avoir découvert sa retraite lundi, nous nous retrouverons ici.