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Bientôt le prêtre rentra.

— J’espère, messieurs, dit-il avec une dignité qui ne laissait aucune prise à la raillerie, que vous voudrez bien excuser la scène ridicule de cette fille… La cure de Sairmeuse, Dieu merci ! n’est pas si pauvre qu’elle le dit.

Ni le duc ni Martial ne répondirent.

Leur surprenante assurance se trouvait même si bien démontée, que M. de Sairmeuse, ajournant toute explication directe, entama le récit des événements dont il venait d’être témoin à Paris, insistant sur l’enthousiasme et les transports d’amour qui avaient accueilli Sa Majesté Louis XVIII…

Heureusement, la vieille gouvernante l’interrompit de nouveau.

Elle arrivait chargée de vaisselle, d’argenterie et de bouteilles, et derrière elle venait un gros homme en tablier blanc qui portait fort adroitement trois ou quatre plats.

C’est l’ordre d’aller quérir ce repas à l’auberge du _Bœuf couronné_, qui avait arraché à Bibiane tant de : Doux Jésus !

L’instant d’après le curé et ses hôtes se mettaient à table.

Le poulet eût été « court, » la digne servante se l’avoua, en voyant le terrible appétit de M. de Sairmeuse et de son fils.

— On eût juré qu’ils n’avaient pas mangé de quinze jours, disait-elle le lendemain aux dévotes, ses amies.

L’abbé Midon n’avait pas faim, lui, bien qu’il fût près de deux heures et qu’il n’eût rien pris depuis la veille.

L’arrivée soudaine des anciens maîtres de Sairmeuse l’avait bouleversé. Elle présageait, pensait-il, les plus effroyables malheurs.

Aussi, ne remuait-il son couteau et sa fourchette que pour se donner une contenance ; en réalité, il observait ses hôtes, il appliquait à les étudier toute la pénétration