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— Ce n’est point sur ma faible science que je compte, avait-il dit, j’ai mis mon espoir plus haut.

Cet espoir ne fut pas déçu, car à trois jours de là, le blessé, après une nuit relativement paisible, parut reprendre connaissance.

Son premier regard fut pour sa vaillante femme, assise à son chevet, sa première parole fut pour son fils.

— Maurice ?… demanda-t-il.

— En sûreté !… répondit l’abbé Midon. Il doit être sur la route de Turin.

Les lèvres de M. d’Escorval s’agitèrent comme s’il eût murmuré une prière, et d’une voix faible :

— Nous vous devrons tous la vie, curé, dit-il, car je crois bien que je m’en tirerai.

Tout faisait supposer qu’il s’en tirerait, en effet, non sans souffrances atroces cependant, non sans des complications qui parfois faisaient trembler ceux qui l’entouraient.

Plus heureux, Jean Lacheneur fut sur pied à la fin de la semaine.

En ces circonstances périlleuses, le père Poignot et ses fils, ces braves gens dont on avait mis le courage en doute, furent héroïques. Pour que personne ne soupçonnât la présence de leurs hôtes, ils surent déployer cette finesse de paysan près de laquelle la rouerie des plus subtils diplomates n’est que simplicité.

Ainsi s’étaient écoulés quarante jours, quand un soir, c’était le 17 avril, pendant que l’abbé Midon lisait un journal au baron d’Escorval, la porte du grenier s’entrebâilla doucement, et un des fils Poignot se montra et disparut aussitôt…

Sans affectation, le prêtre acheva sa phrase, posa son journal et sortit.

— Qu’est-ce ? demanda-t-il au jeune gars.

— Eh ! monsieur le curé, M. Maurice, Mlle Lacheneur et le vieux caporal viennent d’arriver ; ils voudraient monter.