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avoir inscrits sur le registre de son église, leur délivra un certificat que signèrent comme témoins le médecin et le caporal Bavois…

Le soir même, les mules étaient renvoyées à Saliente, et les fugitifs qui avaient à redouter les bavardages de l’hôtelier se remettaient en route.

L’abbé Midon, au moment de quitter Maurice, lui avait expressément recommandé de gagner Turin le plus tôt possible.

— C’est une grande ville, lui avait-il dit, vous y serez perdu comme dans la foule. J’y ai de plus un ami, dont voici le nom et l’adresse ; vous irez le voir, et j’espère, par lui, vous faire passer des nouvelles de votre père.

C’est donc vers Turin que Maurice, Marie-Anne et le caporal Bavois se dirigeaient.

Mais ils n’avançaient que lentement, obligés qu’ils étaient d’éviter les routes fréquentées et de renoncer aux moyens ordinaires de transport.

Selon le hasard des localités, ils louaient une mauvaise charrette, des chevaux le plus souvent, et du lever du soleil à la nuit, ils marchaient.

Ces fatigues qui, en apparence, eussent dû achever Marie-Anne, la remirent… Après cinq ou six jours, les forces lui revenaient et le sang remontait à ses joues pâlies.

— Le sort se lasserait-il donc ? lui disait Maurice. Qui sait quelles récompenses nous garde l’avenir !…

Non, le sort ne se lassait pas, ce n’était qu’un répit de la destinée…

Par une belle matinée d’avril, les proscrits s’étaient arrêtés, pour déjeuner, dans une auberge à l’entrée d’un gros bourg…

Maurice, le repas fini, venait de quitter la table pour payer l’hôtesse, quand un cri déchirant le ramena…

Marie-Anne, pâle et les yeux égarés agitait un journal, et d’une voix rauque disait :

— La !… Maurice… Regarde !

C’était un journal français, vieux de quinze jours ou-