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chemin, il se demandait à qui il avait affaire, et ce qu’on lui voulait.

Machinalement, il se retourna vers Bibiane, mais la vieille servante venait de s’esquiver.

Le duc comprit l’étonnement de son hôte.

— Par ma foi !… l’abbé, fit-il avec l’aisance impertinente d’un grand seigneur qui se croit partout chez soi, nous avons pris sans façon votre cure d’assaut, et nous y tenons garnison, comme vous voyez… Je suis le duc de Sairmeuse, et voici mon fils, le marquis.

Le curé s’inclina, mais il ne parut pas qu’il fût fort touché de la qualité de ses visiteurs.

— Ce m’est un grand honneur, prononça-t-il d’un ton plus que réservé, de recevoir chez moi les anciens maîtres de ce pays.

Il souligna ce mot : anciens, de telle façon qu’il était impossible de se méprendre sur sa pensée et ses intentions.

— Malheureusement, continua-t-il, vous ne trouverez pas ici, messieurs, les aises de la vie auxquelles vous êtes accoutumés, et je crains…

— Bast !… interrompit le duc, à la guerre comme à la guerre, ce qui vous suffit nous suffira, l’abbé… Et comptez que nous saurons reconnaître de façon ou d’autre le dérangement que nous allons vous causer.

L’œil du curé brilla. Ce sans-gêne, cette familiarité choquante, cette dernière phrase outrageante atteignirent la fierté de l’homme violent caché sous le prêtre.

— D’ailleurs, ajouta gaiment Martial, que les angoisses de Bibiane avaient beaucoup amusé, d’ailleurs nous savons qu’il y a un poulet en mue…

— C’est-à-dire qu’il y avait, monsieur le marquis…

La vieille servante, qui reparut soudain, expliqua la réponse de son maître. Elle semblait au désespoir.

— Doux Jésus !… monsieur, clamait-elle, comment faire ?… Le poulet a disparu… On nous l’a volé pour sûr, car la mue est bien fermée.

— Attendez, avant d’accuser votre prochain, inter-