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sement qui dura autant que sa détention. Âme et corps, il était brisé.

Une seule fois, on vit remonter un peu de sang à son visage pâli, le matin où le duc de Sairmeuse entra dans sa prison pour l’interroger.

— C’est vous qui m’avez amené là où je suis, dit-il, Dieu nous voit et nous juge !…

Malheureux homme !… ses fautes avaient été grandes, son châtiment fut terrible.

Il avait sacrifié ses enfants aux rancunes de son orgueil blessé ; il n’eut pas cette consolation suprême de les serrer sur son cœur et d’obtenir leur pardon avant de mourir…

Seul en son cachot, il ne pouvait distraire sa pensée de son fils et de sa fille, et telle était l’horreur de la situation qu’il avait faite, qu’il n’osait demander ce qu’ils étaient devenus.

A la seule pitié d’un geôlier, il dut d’apprendre qu’on était sans nouvelles aucunes de Jean et qu’on croyait Marie-Anne passée à l’étranger avec la famille d’Escorval.

Renvoyé devant la Cour prévôtale, Lacheneur fut calme et digne pendant les débats. Loin de marchander sa vie, il répondit avec la plus entière franchise. Il n’accusa que lui et ne nomma pas un seul de ses complices.

Condamné à avoir la tête tranchée, il fut conduit à la mort le lendemain qui était le jour du marché de Montaignac.

Malgré la pluie, il voulut faire le trajet à pied. Arrivé à l’échafaud, il gravit les degrés d’un pas ferme, et de lui-même s’étendit sur la planche fatale….

Quelques secondes après, le soulèvement du 4 mars comptait sa vingt-et-unième victime.

Et le soir même, des officiers à la demi-solde s’en allaient racontant partout que des récompenses magnifiques venaient d’être accordées au marquis de Courto-