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Cette phrase, dans sa bouche, dépassait tellement tout ce que pouvait imaginer le baron, qu’il ne fut pas maître d’un mouvement de stupeur.

Ce geste, Lacheneur le surprit, et c’est avec toutes les apparences de la sincérité et de la plus entière bonne foi, qu’il reprit :

— Ce que je dis là vous étonne, monsieur ? Je le comprends. La colère du premier moment m’a arraché tant de propos ridicules !… Mais je me suis calmé et j’ai reconnu mon injustice. Que vouliez-vous que fît le duc ? Devait-il me faire cadeau de Sairmeuse ? Il a été un peu brusque, je l’avoue, mais c’est son genre ; au fond il est le meilleur des hommes…

— Vous l’avez donc revu ?…

— Lui, non ; mais j’ai revu son fils, M. le marquis. Même, je suis allé avec lui au château pour y désigner les objets que je désire garder… Oh ! il n’y a pas à dire non, on a tout mis à ma disposition, tout. J’ai choisi ce que j’ai voulu, meubles, vêtements, linge… On m’apportera tout cela ici, et j’y serai comme un seigneur…

— Pourquoi ne pas chercher une autre maison ? celle-ci…

— Celle-ci me plaît, monsieur le baron ; sa situation surtout me convient.

Au fait, pourquoi les Sairmeuse n’auraient-ils pas regretté l’odieux de leur conduite ? Était-il impossible que les rancunes de Lacheneur eussent cédé devant les plus honorables réparations ? Ainsi pensa M. d’Escorval.

— Dire que M. le marquis a été bon, continuait Lacheneur, serait trop peu dire. Il a eu pour nous les plus délicates attentions. Par exemple, ayant vu combien Marie-Anne regrette ses fleurs, il a déclaré qu’il allait lui en envoyer de quoi remplir notre petit jardin, et qu’il les ferait renouveler tous les mois…

Comme tous les gens passionnés, M. Lacheneur outrait le rôle qu’il s’était imposé. Ce dernier exemple était