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LE DÉFRICHEUR.

I.


Jean Rivard vint au monde vers l’an 1824, à Grandpré, une de ces belles paroisses canadiennes établies dans la vallée du Lac St. Pierre, sur la rive nord du St. Laurent.

Son père, Jean-Baptiste Rivard, ou simplement Baptiste Rivard, comme on l’appelait dans sa paroisse, aurait passé pour un cultivateur à l’aise s’il n’eût été chargé d’une famille de douze enfants, dont deux filles et dix garçons.

Jean était l’aîné de ces dix garçons.

Comme il montra dès son bas âge, une intelligence plus qu’ordinaire, son père se décida, après de longues consultations avec ses plus proches parents et le curé de Grandpré, à le mettre au collége pour l’y faire suivre un cours d’études classiques.

La mère Rivard nourrissait l’espoir secret que Jean prendrait un jour la soutane et deviendrait prêtre. Son plus grand bonheur à la pauvre mère eût été de voir son fils aîné chanter la messe et faire le prône à l’église de Grandpré.

Jean Rivard obtint d’assez bons succès dans ses classes. Ce n’était pas un élève des plus brillants, mais il était studieux, d’une conduite régulière, et, parmi ses nombreux condisciples, nul ne le surpassait dans les choses qui requièrent la constance et l’exercice du jugement.

Les années de collége s’écoulèrent rapidement. Dès le commencement de sa cinquième année, il était entré en Rhétorique, et il goûtait par anticipation les jouissances intellectuelles des années