Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
JEAN RIVARD

montagnes, des plaines, des volcans ; que le Soleil, centre du monde, est à trente huit millions de lieues et qu’il est environ quatorze cent mille fois plus gros que le Globe que nous habitons ; que les milliers d’étoiles que nous apercevons dans le firmament, étagées les unes sur les autres jusque dans les profondeurs du ciel, sont encore infiniment plus loin de nous, etc, etc. Il fallait entendre les exclamations poussées de tous côtés dans le rustique auditoire ! Souvent, entraînés par un mouvement involontaire, tous sortaient de la cabane, et debout, la tête nue, les yeux tournés vers la voûte resplendissante, restaient ainsi plusieurs minutes à contempler, au milieu de la nuit, le grand ouvrage du Créateur ; s’il arrivait alors qu’en rentrant dans l’habitation, quelqu’un proposât de faire la prière du soir en commun, un cri général d’assentiment se faisait entendre, et l’encens de la prière s’élevait du fond de l’humble chaumière vers le trône de Celui qui règne par delà tous les cieux.

La cabane de Jean Rivard devint trop petite pour la société qui la fréquentait, car il faut dire que le Canton de Bristol s’établissait avec une rapidité sans exemple dans les annales de la colonisation. Chaque jour de nouveaux défricheurs faisaient leur apparition à Louiseville, considéré d’un commun accord comme le chef-lieu du Canton. La rumeur de la confection prochaine d’un chemin public s’était répandue avec la rapidité de l’éclair dans toutes les anciennes paroisses du district des Trois-Rivières, et des centaines de jeunes gens, des familles entières, s’établissaient avec empressement au milieu de ces magnifiques forêts. Dans l’espace de quelques mois, la moitié des