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JEAN RIVARD

lités mondaines leur font oublier ce qu’elles ont appris. Puis elle m’exposait, avec un air de sincérité charmante, la ferme résolution qu’elle avait prise de fuir la vie dissipée, de ne jamais aller au bal, etc. ; je ne pouvais m’empêcher de sourire, en songeant combien peu de temps dureraient ces belles dispositions.

« Elle sait un peu de musique et de chant, dessine et brode à la perfection ; ce qu’elle regrette, c’est de n’avoir pas acquis les connaissances nécessaires à la femme de ménage. Elle m’a signalé les lacunes qui existent à cet égard dans le système d’éducation de nos couvents, et elle raisonne sur ce sujet avec la sagesse et le bon sens d’une femme de quarante ans.

« J’ai passé dans sa compagnie et celle de sa mère quelques-unes des heures les plus délicieuses de ma vie.

« En quittant l’hôtel, ses parents m’ont poliment invité d’aller les voir de temps à autre. Tu peux croire que je n’y manquerai pas. Je te dirai probablement son nom dans une de mes prochaines lettres.

« Je crois que sa famille n’est pas riche : tant mieux, car de nos jours les jeunes filles riches ne veulent avoir que des maris fortunés.

« Tu lèveras les épaules, j’en suis sûr, mon cher défricheur, en lisant ces confidences de jeune homme ? Que veux-tu ? il faut bien que le cœur s’amuse.

Une fois rendu à ses vingt-quatre ou vingt-cinq ans, il est bien difficile à un jeune homme de ne pas songer au mariage. C’est ma marotte à moi, j’en parle sans cesse à mes amis. Si je suis longtemps célibataire, je crains même que cela ne devienne chez moi une monomanie. C’est singulier pourtant