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ÉCONOMISTE.

se sentait justifiable de tirer bon parti des avantages qui s’offraient à lui, et qui après tout étaient dûs à son courage et à son industrie.

Il lui semblait aussi voir le doigt de la Providence dans la manière dont les événements avaient tourné. Ma pauvre mère a tant prié, disait-il, que Dieu prend pitié d’elle et lui envoie les moyens de se tirer d’embarras.

Il s’empressait de lui écrire chaque fois qu’il avait une bonne nouvelle à lui annoncer.

Il jouissait d’avance du bonheur qu’elle en ressentirait.

Mais outre les avantages de fortune qu’il devait espérer en voyant les alentours de sa chaumière devenir peu-à-peu le centre d’un village, il jouissait encore d’un autre privilège que devait apprécier à toute sa valeur un homme de l’intelligence de Jean Rivard ; il allait pouvoir exercer un contrôle absolu sur l’établissement du village.

Il allait devenir peut-être, comme il le dit dans sa lettre, le fondateur d’une ville !

Quels rêves ambitieux cette perspective ne devait-elle pas faire naître en son esprit !

Les devoirs et la responsabilité que lui imposait cette glorieuse entreprise absorbèrent toute son attention pendant plusieurs mois.

Ce n’était plus la carte de son lot de cent acres qu’il déployait le soir sur sa table, c’était celle du futur village. Quoiqu’il ne fût guère au fait de l’art de bâtir des villes, il en avait lui-même tracé le plan ; il avait indiqué les rues, auxquelles il donnait toute la largeur et toute la régularité possibles ; il avait marqué les endroits que devaient occuper plus tard la maison d’école, le bureau de poste, le marché, etc.