Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, économiste, 1876.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
JEAN RIVARD

— Sainte bénite ! moi, la femme de Pierre Gagnon ? Mais êtes-vous sûrs qu’il ne dit pas cela pour rire ?

— Il y va si sérieusement que tu peux fixer toi-même le jour de votre mariage.

— Bonne sainte Vierge !… me voilà donc exaucée.

Et Françoise, toute troublée, s’éloigna en se passant les mains sur les cheveux, et se rendit au miroir où elle s’attifa du mieux qu’elle put, croyant à tout instant voir arriver son fiancé.

Ce jour là, si Louise n’avait pas eu le soin de jeter de temps à autre un coup-d’œil au pot-au feu, le dîner eût été manqué, à coup sûr.

Quand le soir Pierre Gagnon vint à la maison, Françoise était tranquillisée ; elle fut très-convenable, plus même qu’elle n’avait coutume de l’être. De son côté, Pierre Gagnon était beaucoup plus sérieux qu’à l’ordinaire. Il parla longtemps à Françoise de ses projets, de l’état de ses travaux et de tout ce qui lui manquait encore pour être riche. Françoise faisait semblant d’écouter, mais elle ne s’arrêtait pas tout-à-fait aux mêmes considérations que son prétendu. Elle se représentait déjà au pied de l’autel, jurant fidélité à Pierre Gagnon ; elle songeait combien elle l’aimerait, avec quel soin elle tiendrait la maison, préparerait ses repas, raccommoderait son linge. De temps à autre elle se levait sous prétexte de quelque soin de ménage, mais plutôt pour se donner une contenance et ne pas paraître trop agitée.

En voyant venir Pierre Gagnon, elle avait couru mettre une de ses plus belles robes d’indienne, de sorte qu’elle était proprette et que Pierre Gagnon fut de plus en plus satisfait de son choix.

Le mariage fut d’un commun accord fixé au commencement d’août.