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ÉCONOMISTE.

Il commença par abattre la forêt juste à l’endroit où il désirait placer sa future résidence, en droite ligne avec la maison de Jean Rivard, puis il continua, se disant à part lui, avec ce contentement intérieur qui ne l’abandonnait jamais : ici sera ma maison, là ma grange, plus loin mes autres bâtiments ; il désignait d’avance le jardin, les champs de légumes, le parc aux animaux et toutes les diverses parties de sa ferme.

Disons toutefois que Pierre Gagnon quittait volontiers son travail pour celui de Jean Rivard, chaque fois que celui-ci en manifestait le désir, ce qui arrivait de temps à autre, surtout à l’époque de la moisson.

Ajoutons que l’ancien maître ne refusait pas non plus ses services à l’ancien serviteur. Les bœufs de travail, les chevaux, les voitures de Jean Rivard étaient à la disposition de Pierre Gagnon. Au besoin même, l’empereur allait donner un coup d’épaule à son ci-devant brigadier.

Sur les épargnes qu’il avait faites à Grandpré, pendant de longues années de dur travail, et sur les gages qu’il avait reçus pour ses deux dernières années de service, Pierre Gagnon avait en caisse près de quarante louis qu’il réservait pour acquitter le prix de son lopin de terre et aussi pour le jour où il entreprendrait de se bâtir une maison et des bâtiments de ferme.

En attendant, le vaillant défricheur songeait encore à autre chose. Tout en abattant les arbres, il lui arrivait de cesser quelquefois de chanter pour penser au bonheur dont jouissait son jeune maître depuis l’époque de son mariage. Il se disait que lui aussi, Pierre Gagnon, aurait un jour une compagne