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JEAN RIVARD

de pauvres affligés qui venaient lui raconter leurs chagrins et chercher des remèdes à leurs maux. Jamais il ne rebutait personne ; au contraire, c’était avec le doux nom d’ami, de frère, d’enfant, de père, qu’il accueillait tous ceux qui s’adressaient à lui. Sa sensibilité, la bonté de son cœur se révélaient à la moindre occasion.

C’était là le côté sérieux de sa nature, mais à ces qualités s’en joignait une autre qui contribuait encore à le faire aimer davantage : c’était une gaîté constante non cette gaîté de circonstance, souvent affectée, qui se traduit en jeux de mots plus ou moins spirituels, mais cette joie franche, naturelle, qui éclate en rires inextinguibles, au moindre mot d’un ami. La plus légère plaisanterie le faisait rire jusqu’aux larmes. Il avait toujours quelque anecdote amusante à raconter. Aussi sa société était-elle vivement recherchée par les gens d’esprit.

Il n’avait qu’un défaut, qui faisait son désespoir, et dont il chercha vainement à se corriger : il fumait. La pipe était sa passion dominante ; et jamais passion ne donna plus de tourments à un homme, ne tyrannisa plus impitoyablement sa victime.

Jean Rivard prenait quelquefois plaisir à tourmenter son ami à propos de cette habitude inoffensive. Il entrait avec lui dans de longues dissertations pour démontrer l’influence pernicieuse du tabac sur la santé, et le tort qu’il causait au bien-être général. Suivant ses calculs, ce qui se dépensait chaque année en fumée de tabac pouvait faire subsister des milliers de familles, et faire disparaître entièrement la mendicité des divers points du Bas-Canada.

Le bon Octave Doucet passait alors deux ou trois