Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, économiste, 1876.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
JEAN RIVARD

que de former les jeunes personnes aux manières polies, au bon ton, aux grâces de ce que vous appelez la bonne société. Tout cela n’a rien d’incompatible avec la modestie, la simplicité et les autres vertus. L’économie dans la toilette n’en exclut pas le bon goût. Personne n’est plus que moi ennemi du faste et de l’ostentation, mais l’extrême rusticité me déplaît également. C’est ma conviction que rien ne contribuera plus à retenir au sein de nos campagnes les centaines de jeunes gens qui cherchent à s’en échapper aujourd’hui que cet aspect d’aisance, ces dehors attrayants, qui ont au moins l’effet d’égayer les regards et de faire croire au bonheur. C’est une idée qui peut être sujette à controverse, mais que je donne pour ce qu’elle vaut.

— Mais ne connaissez-vous pas quelque autre moyen également efficace d’arrêter l’émigration des campagnes ?

— Oui, j’en connais plusieurs, mais je ne m’arrêterai qu’à un seul qui me paraît moins connu que les autres : je veux parler de l’établissement de manufactures.

« Depuis plusieurs années, nous avons formé à Rivardville une association dans ce but. Bon nombre des habitants de la paroisse en font partie. L’association a déjà bâti six moulins, dont deux à scie, deux à farine, un à carder et l’autre à moudre de l’avoine ; elle a aussi une fabrique d’huile de graine de lin, et une de meubles ; elle aura prochainement une fabrique d’étoffes. Le risque a été de peu de chose pour chacun de nous et les résultats pour la paroisse ont été immenses. J’aurais dû mentionner cela parmi les secrets de notre pros-