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ÉCONOMISTE.

fois que l’occasion s’en présentera. Il m’a paru goûter assez bien ce conseil, et je ne serais pas surpris de voir avant peu le canton de Bristol sous la protection d’un médecin. »

Ces quelques extraits nous font comprendre le mouvement de la colonisation dans cette région livrée aux bras des défricheurs. Huit jours se passaient à peine sans que le canton de Bristol fût le théâtre d’un progrès nouveau.

Le médecin en question ne tarda pas s’établir dans le voisinage de Jean Rivard. Mais un autre personnage, dont nous devons dire quelques mots, émigra aussi vers cette époque dans le canton de Bristol, sans toutefois prendre conseil de Jean Rivard. Il venait d’une des anciennes paroisses des bords du Saint Laurent, d’où sans doute on l’avait vu partir sans regret, car il était difficile d’imaginer un être plus maussade. C’était l’esprit de contradiction incarné, le génie de l’opposition en chair et en os. Quoiqu’il approchât de la quarantaine, il n’avait encore rien fait pour lui-même, tous ses efforts ayant été employés à entraver les mesures des autres. Il avait gaspillé en procès un héritage qui eût suffi à le rendre indépendant sous le rapport de la fortune. Sa manie de plaider et de contredire l’avait fait surnommer depuis longtemps le Plaideur ou le Plaideux, et on le désignait communément sous l’appellation de Gendreau-le-Plaideux.

Au lieu de se réformer en vieillissant, il devenait de plus en plus insupportable. Contrecarrer les desseins d’autrui, dénaturer les meilleures intentions, nuire à la réussite des projets les plus utiles, s’agiter, crier, tempêter, chaque fois qu’il s’agissait de quel-