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JEAN RIVARD

élection comme membre du parlement, époque où je recevais la visite de quelques-uns de mes collègues. On a beau dire que le luxe est avantageux en ce qu’il stimule le travail et l’industrie, je n’en crois rien : autant vaudrait dire que la vente des boissons enivrantes est avantageuse, parce que cette industrie fait vivre un certain nombre de familles. Dans un jeune pays comme le nôtre, c’est l’utile qu’il faut chercher avant tout, l’utile et le solide, sans exclure toutefois certains goûts de parure et d’embellissement pour lesquels Dieu a mis au cœur de l’homme un attrait irrésistible.

« Je crains toujours de m’éloigner à cet égard des bornes prescrites par le bon sens, et de passer, comme on dit, à travers le bonheur.

« Combien, en se laissant entraîner par des goûts de luxe et de dépenses, dépassent ainsi le point où ils auraient pu être heureux !

« Je me rappelle souvent ces vers que j’ai appris par cœur dans ma jeunesse, et qui, s’ils n’ont rien de bien remarquables pour la forme, sont au moins très-vrais pour le fond » :

Les hommes la plupart sont étrangement faits,
Dans la juste nature on ne les voit jamais ;
Et la plus belle chose ils la gâtent souvent
Pour la vouloir outrer ou pousser trop avant.

La chambre qui contenait la bibliothèque de Jean Rivard était assez grande et donnait sur le jardin ; elle adjoignait immédiatement la salle à dîner.

« Cette chambre, dit-il, me sert à la fois de bureau et de bibliothèque ; c’est ici que je transige mes affaires, que je reçois les personnes qui viennent me