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ÉCONOMISTE.

naire, tout en rougissant un peu, habitude dont elle n’avait jamais pu se défaire entièrement. Elle avait son plus jeune enfant dans les bras, et ses trois autres autour d’elle. C’étaient, comme autrefois pour la dame romaine, ses bijoux les plus précieux. Tous ces hommes s’inclinèrent respectueusement devant madame Rivard, et la complimentèrent, en termes simples mais très-convenables, sur la victoire remportée par son mari.

Des tables improvisées avaient été dressées sous les arbres aux alentours de la maison. Le repas n’eut rien de somptueux : il n’y avait en fait de comestibles que du pain et du beurre, des gâteaux préparés le jour même par madame Rivard, force tartes aux confitures ; et en fait de rafraîchissements, que du lait, du thé, du café et de la petite bière d’épinette. Cette simplicité frugale ne nuisit en rien à la gaîté du festin. Quand les convives se furent quelque peu restaurés, Jean Rivard leur adressant la parole :

« Mes amis, dit-il, vous voudrez bien excuser l’extrême frugalité de ce repas. J’étais loin de m’attendre à une démonstration de ce genre ; et je vous avoue que ma femme, en nous voyant arriver tout-à-l’heure, aurait bien désiré voir se renouveler le miracle des cinq pains et des deux poissons. (On rit.) J’espère que vous me pardonnerez aussi de vous avoir fait jeûner quelque peu pendant le temps de l’élection : j’aurais cru vous insulter en agissant autrement. Mais, en revanche, je vous annonce que je viens de faire remettre à monsieur le curé Doucet une somme de cinquante louis pour être distribuée aux pauvres du comté. Il faut que tout le monde, même ceux qui n’ont pas le droit de voter, prennent part à la joie de notre triomphe. »