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ÉCONOMISTE.

suffrages des électeurs, non dans l’intérêt public, mais dans son propre intérêt. Il faisait partie de plusieurs sociétés secrètes, politiques et religieuses, et disposait de divers moyens d’influence auprès des électeurs. L’argent ne lui coûtait guère à donner ; il en distribuait à pleines mains aux conducteurs de voitures, aux aubergistes, etc ; sous prétexte d’acheter un poulet, un chien, un chat, il donnait un louis, deux louis, trois louis, suivant le besoin. Il avait organisé pour conduire son élection, un comité composé d’hommes actifs, énergiques, pressants, fourbes, menteurs, pour qui tous les moyens étaient bons. Ils avaient pour mission de pratiquer directement ou indirectement la corruption parmi le peuple. Aux uns ils promettaient de l’argent, aux autres des entreprises lucratives ; à ceux-ci des emplois salariés, à ceux-là des charges purement honorifiques. À les entendre, leur candidat était tout puissant auprès du gouvernement, et pouvait en obtenir tout ce qu’il désirait. Des barils de whisky étaient déposés dans presque toutes les auberges du comté, et chacun était libre d’aller s’y désaltérer, et même s’y enivrer, privilège dont malheureusement un certain nombre ne manquèrent pas de profiter.

Le jeune candidat lui-même mit de côté pour l’occasion, les règles de la plus simple délicatesse.

Ce que nous avons de mieux à faire, dit-il à un de ses amis, c’est de nous assurer l’appui des prêtres.

— Oui, repartit celui-ci ; mais ce n’est pas chose facile ; cela ne s’achète pas.

— Rien n’est plus facile, répondit-il effrontément. Donnons à l’un un ornement, à l’autre une cloche, à celui-ci une croix d’autel, à celui-là un vase sacré…