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JEAN RIVARD

dont elle peut disposer, et elle se garde bien de dépasser son budget. Du reste, elle peut, à la fin de l’année, rendre un compte fidèle de son administration. Chaque sou dépensé est indiqué dans un petit régistre soigneusement tenu. Elle sait ce qu’ont coûté la nourriture, la toilette, la domesticité, l’éclairage, le chauffage, les souscriptions, charités, etc. De cette manière la dépense n’excède jamais le revenu. On ne s’endette pas. Au contraire, une petite somme est chaque année mise de côté pour les jours de la vieillesse, ou pour aider l’établissement des enfants.

« Malgré ta dignité de maire, de juge de paix, de major de milice, de père de famille, etc., il faut pourtant bien que je te dise un mot des progrès de ma dernière liaison. Tu as été mon confident avant de cumuler toutes les charges importantes que tu remplis aujourd’hui, tu ne saurais convenablement te démettre de ce premier emploi. Je sais pourtant que je m’expose à perdre la bonne opinion que tu pouvais avoir de moi ; je vais être à tes yeux un inconstant, un esprit volage, un grand enfant en un mot. Mais, mon cher ami, si tu connaissais bien la vie et la destinée des gens de mon état, tu verrais que ma conduite, après tout, n’a rien de fort étrange. Quand on ne peut se marier avant l’âge de trente ans, l’inconstance devient pour ainsi dire une nécessité de l’existence. La jeune fille qu’on aime à vingt ans, ne peut rester jeune indéfiniment ; on ne saurait exiger qu’elle vieillisse dans l’attente, que sa beauté se fane, qu’elle nourrisse pendant de longues années un sentiment dont la conséquence peut devenir pour elle un célibat forcé. En supposant qu’elle le voulût, ses parents y mettraient bon ordre. Elle en épouse