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quelque chose de trop traînant ; ses autres observations sont également justes. L’opposition entre l’un pour l’autre, et l’un à l’autre, a réellement l’apparence d’un jeu de mots, si l’on veut prendre les choses à la rigueur, et on est assez disposé à les prendre ainsi avec vous.

Adieu ; je vous ai écrit une véritable épître : puissiez-vous la lire avec autant de plaisir que je l’ai écrite.

Schiller.

28.

Lettre de Schiller. Suite de l’appréciation de Wilhelm Meister.
Iéna, le 5 juillet 1796.

Maintenant que j’ai l’ensemble de votre roman présent à mes regards, je ne puis assez dire avec quel bonheur le caractère de votre héros me parait choisi, si, du moins en pareil cas, il peut être question de choix. Aucun autre n’aurait aussi bien convenu au rôle de porteur des événements ; et, sans compter que le problème qui vous occupe ne pouvait être posé et résolu qu’à l’aide d’un semblable caractère, aucun autre n’aurait été si bien approprié à la simple peinture de l’ensemble. Ce n’est pas seulement le sujet, c’est le lecteur qui le demandait.

Son penchant à la réflexion tient le lecteur en suspens au milieu du cours le plus rapide de l’action, et le force à regarder toujours devant et derrière, à réfléchir sur tout ce qui se passe. Il réunit en lui, pour ainsi dire, l’esprit, le sens, la disposition intime de tout ce qui l’entoure, transforme tous les sentiments obscurs en concepts et en pensées, exprime les faits particuliers dans des formules générales, nous rend plus facile l’explication de tout, et, en remplissant ainsi son propre caractère, il remplit de la manière la plus parfaite le but général de l’œuvre.

La condition et la situation extérieure dans laquelle vous l’avez placé le rendent particulièrement propre à ce rôle. Il y a un certain monde qui lui est tout nouveau ; il en est plus vivement frappé, et, en s’occupant à se l’assimiler, il nous fait