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dresse d’un ami, et d’être contraint de faire taire à tout prix les quelques voix qui veulent parler pour moi.

Herder vous enverra ma dissertation sur la poésie sentimentale ; vous n’en avez encore entendu que la plus petite partie, et je vous prierai de parcourir encore une fois l’ensemble. J’espère que vous en serez content ; je ne crois pas avoir rien réussi de mieux en ce genre. Ce jugement dernier de la plus grande partie des poëtes allemands fera, je crois, bon effet à la fin de l’année, et donnera beaucoup à penser à messieurs nos critiques. Le ton est franc et ferme, quoique partout, je l’espère, avec les ménagements convenables. J’ai, chemin faisant, effleuré le plus de monde possible, et il est peu de nos poëtes qui sortent sans blessures de la rencontre.

Je me suis étendu tout à mon aise sur le naturalisme et ses droits, à propos des Élégies, ce qui a valu à Wieland[1] un petit coup de patte. Mais je n’y puis rien ; on ne s’est jamais gêné, Wieland pas plus que les autres, pour dire son opinion sur mes défauts ; on me les a fait connaître, au contraire, assez durement plus souvent que de raison ; maintenant que j’ai par hasard le jeu dans les mains, je n’ai pas de motifs pour taire ma pensée.

Portez-vous bien. Je serai bien heureux si, après le nouvel an, nous pouvons encore passer ensemble quelques bonnes semaines.

Schiller.

21.

Lettre de Schiller.Il applaudit au projet formé par Gœthe de publier, sous le titre de Xénies, une série de poésies satiriques.
Le 29 décembre 1795.

Votre idée des Xénies[2] est admirable ; il faut la mettre à exécution. Celles que vous m’avez envoyées aujourd’hui

  1. Wieland, né en 1733 à Ober-Holzheim, dans la Souabe, mort à Weimar en 1813, est l’un des plus grands écrivains de l’Allemagne, l’auteur d’Agathon, d’Obéron, de l’Histoire des Abdéritains, etc. Voir sur Wieland le beau travail de M. E. Hallberg.
  2. Le nom des Xénies est emprunté à Martial, le poëte latin ; le treizième livre de ses épigrammes est composé de distiques, que l’auteur appelle Xénies, du mot grec ξένια, présents d’hospitalité, dons offerts par l’hôte à ceux qu’il reçoit. Les Xénies de Gœthe et de Schiller sont des épigrammes condensées en un seul distique.