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nous, veut que Marianne soit le fantôme, ou qu’elle soit du moins en rapport avec lui. Nous avons aussi quelque disposition à croire que le farfadet féminin, que Wilhelm saisit entre ses bras dans une chambre à coucher, ne fait avec le fantôme qu’une seule et même personne. La dernière apparition m’a fait penser aussi à Mignon, qui, ce soir-là, paraît avoir reçu de grandes révélations sur son sort. Vous voyez par ce petit échantillon herméneutique que vous avez bien réussi à garder votre secret.

La seule critique que je pourrais faire à propos de ce cinquième livre, c’est qu’il m’a semblé de temps en temps que vous aviez donné à la partie exclusivement relative à la vie théâtrale plus d’étendue que n’en comporte la libre et large idée de l’ensemble. On dirait parfois que vous écrivez pour les comédiens, quand vous n’avez voulu pourtant qu’écrire sur les comédiens. Le soin que vous apportez à certains petits détails de ce genre, l’attention que vous accordez à certains petits avantages de l’art dramatique, qui ont leur importance pour le comédien et le directeur, mais non pour le public, tout cela donne à cette partie de votre œuvre la fausse apparence d’une destination spéciale, et si l’on ne devine pas cette destination, on pourra du moins vous reprocher d’avoir trop cédé à un amour personnel pour le sujet. Si vous pouviez enfermer cette partie dans des limites plus étroites, l’ensemble s’en trouverait certainement bien.

Maintenant encore un mot sur vos lettres au rédacteur des Heures. J’ai déjà pensé que nous ferions bien d’ouvrir dans les Heures comme une arène à la critique. Des articles de cette espèce donnent immédiatement de la vie au journal, et excitent sûrement l’intérêt du public. Seulement il ne faudrait pas nous laisser ôter la direction des mains, ce qui ne manquerait pas d’arriver si nous accordions quelques droits au public et aux auteurs ; une invitation formelle du public ne nous permettrait certainement d’attendre que les plus pitoyables jugements, et les auteurs, on en a plus d’un exemple, se rendraient importuns. Ma proposition est donc que nous commencions nous-mêmes l’attaque. Les auteurs qui voudraient ensuite se défendre dans les Heures seraient bien obligés de se soumettre aux conditions que nous leur imposerions. Je conseillerais aussi de débuter, non par l’annonce de cette initiative, mais par l’initiative elle-même. Ce ne sera