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core plus difficile d’inspirer de la confiance. Les espérances des éditeurs du présent recueil sont-elles plus fondées ? c’est ce dont on pourra juger surtout par les moyens que l’on a su trouver pour atteindre le but.

La valeur intrinsèque d’une entreprise littéraire peut seule lui assurer auprès du public un succès durable, et d’autre part il n’y a que ce succès qui puisse donner aux fondateurs de l’entreprise le courage et la force de faire de sérieux efforts pour lui assurer cette valeur. La grande difficulté est donc que le succès devrait être déjà réalisé dans une certaine mesure, pour rendre possibles les dépenses sans lesquelles on ne peut songer à sa réalisation. Il n’y a qu’un moyen de sortir de ce cercle ; c’est qu’un homme entreprenant hasarde, sur la foi de ce succès problématique, autant qu’il est nécessaire pour le rendre certain.

Il ne manque pas, pour des recueils de ce genre, d’un public nombreux ; mais trop de journaux spéciaux se partagent ce public. Si l’on faisait le compte des abonnés de tous ces journaux, on en trouverait un nombre suffisant pour faire marcher l’entreprise la plus coûteuse. Ce nombre est à la disposition du journal qui saura réunir à lui seul les avantages que les autres se partagent, sans toutefois élever sensiblement son prix au-dessus du leur.

Chaque écrivain de mérite a dans le monde des lecteurs son cercle à lui, et le plus lu de tous n’a toujours que son cercle. La culture intellectuelle n’est pas encore poussée assez loin, en Allemagne, pour que l’ouvrage qui plaît à l’élite des lecteurs se trouve dans les mains de tout le monde. Mais que les meilleurs écrivains de la nation se réunissent dans une association littéraire, ils réuniront par là même le public précédemment divisé, et l’œuvre à laquelle ils prendront tous part, aura pour publie le monde des lecteurs tout entier. De cette manière on peut assurer à chaque écrivain tous les avantages que l’auteur le plus favorisé ne pouvait attendre que du cercle le plus étendu de lecteurs et d’acheteurs.

Un éditeur, à tous points de vue fait pour cette entreprise, vient de s’offrir à nous dans la personne de M. Cotta, libraire à Tubingue : il est prêt à commencer la publication dès qu’on aura réuni le nombre nécessaire de collaborateurs. Chacun des écrivains, auxquels on envoie cette annonce, est,