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74 LIVRE II. LA FAMILLE.

tote nous apprend d'une manière générale que dans beaucoup de villes les anciennes législations interdisaient la vente des terres*.

De telles lois ne doivent pas nous surprendre. Fondez la propriété sur le droit du travail, l'homme pourra s'en dessaisir. Fondez-la sur la religion, il ne le pourra plus : un lien plus fort que la volonté de l'homme unit la terre à lui. D'ailleurs ce champ où est le tombeau, où vivent les ancêtres divins, où la famille doit à jamais accomplir un culte, n'est pas la propriété d'un homme seulement, mais d'une famille. Ce n'est pas l'in- dividu actuellement vivant qui a établi son droit sur cette terre : c'est le dieu domestique. L'individu ne l'a qu'en dépôt; elle appartient à ceux qui sont morts et à ceux qui sont à naître. Elle fait corps avec cette famille et ne peut plus s'en séparée Détacher l'une de l'autre, c'est altérer un culte et offenser une religion. Chez .les Hindous, la propriété, fondée aussi sur le culte, était aussi inaliénable'.

Nous ne connaissons le droit romain qu'à partir des Douze Tables; il est clair qu'à cette époque la vente de la propriété était permise. Mais il y a des raisons de penser que, dans les premiers temps de Rome, et dans l'Italie avant l'existence de Home, la terre était inaliénable comme en Grèce. S'il ne reste aucun témoignage de cette vieille loi, on distingue du moins les adoucissements qui y ont été apportés peu à peu. La loi des Douze Tables, en laissant au tombeau le caractère d'inaliéna- bilité, en a affranchi le champ. On a permis ensuite de diviser la propriété, s'il y avait plusieurs frères, mais à la condition qu'une nouvelle cérémonie religieuse serait accomplie : la reli- gion seule pouvait partager ce que la religion avait autrefois proclamé indivisible. On a permis eniRn de vendre le domaine;

d'&Ti|jiU. Eschine, in Timarchum, 30 ; Diogène Laërce, Solon, l, 55. Gelfe loi qui n'était certainement plus observée au temps d'Eschine subsistait pour la fofme, comme un vestige de l'antique règle; il y eut toujours une Swi) xaTt$i|$oxivat ti «aTfÇa (Bekker, Anecdoia, p. 199 et 310).

1, Aristote, Polit., VI, 2, & : «|v ti r'àpxcwv ly «oX^latf icjX(«t yiv*|Mt(Tii||4ivay |ti| muikt'.v iEdvai toù; mtpijiou; (alias «ç6tou() aX^pou;.

2. Milakcha/ra, trad. Orianne, p. 50. Cette ritfle disparut peu \ peo quand le rahmanisme devint dominaot.

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