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CHAP. VI. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ. 63

époque où la terre ait été commune *■ ; et l'on ne voit non plus rien qui ressemble à ce partage annuel des champs qui est signalé chez les Germains. Il y a même un fait bien remar- quable. Tandis que les races qui n'accordent pas à l'individu la propriété du sol lui accordent au moins celle des fruits de son travail, c'est-à-dire de sa récolte, c'était le contraire chez les Grecs. Dans quelques villes, les citoyens étaient astreints à mettre en commun leurs moissons, ou du moins la plus grande partie, et devaient les consommer en commun*; l'in- dividu n'était donc pas absolument maître du blé qu'il avait récolté; mais en même temps, par une contradiction bien remarquable, il avait la propriété absolue du sol. La terre était à lui plus que la moisson. Il semble que chez les Grecs la conception du droit de propriété ait suivi une marche tout à fait opposée à celle qui paraît naturelle. Elle ne s'est pas appliquée à la moisson d'abord, et au sol ensuite. C'est l'ordre inverse qu'on a suivi.

11 y a trois choses que, dès l'âge le plus ancien, on trouve fondées et solidement établies dans ces sociétés grecques et italiennes ; la religion domestique, la famille, le droit de pro- priété ; trois choses qui ont eu entre elles, à l'origine, un -rapport manifeste, et qui paraissent avoir été inséparables.

L'idée de propriété privée était dans la religion même.- Chaque famille avait son foyer et ses ancêtres. Ces dieux ne

��t. Quelques historiens oot émis l'opinioD qu'il Rome la propriété ayait d'abord été publique et n'était deveaue privée que sous Numa. Cette erreur vient d'uns fausse interprétation de trois textes de Plutarque (Numa, 16), de Cicéron {Repu- bliqne. II, 14) et de Denys (II, 74). (-es trois auteurs disent, en effet, que Numa distribua certaines terres aux citoyens; mais ils indiquent très-clairement qu'il D'eut à faire ce partage qu'à l'égard des terres que les dernières conquêtes de son prédéi-esseur avaient ajoutées au premier territoire romain, agri quoi bello Ro- muLus ceperat. Quant à Vager Romanus, c'est-à-dire au territoire qui entourait Rome à cinq milles de distance (Slraboa, V, 3, 2), il était /Propriété pri' ée depuis l'origine de la ville. Voy Denys, U, T; Varron, De re i-ustica, I, lo, Noolua f.lirciîHiis, éd. Quicherat, p. 61.

'i. Ainsi ea Crète chacun donnait pour las repas communs la diiième partir i|« la réndte d« sa terre. Albéuée, IV, 33. De même, à Sparte, chacun devait rouniir sur Sou i)ieo propre une quantité déterminée de farine, de vin, de fruits, pour les ■:»- jienses delà table commune (Aristote, Polit., U, 7, éd. Didot, p. Sli; Pb-'-r^ifl.-. I ycurgu.t, 13; Dicéarque, dam Athéné*. IV, lO).

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