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CHAP. V. LA PARENTÉ, L'AGNATION. 61

D'autre part, Scipion Sérapiôn a pour quatrième ancêtre Lucius Cornélius Scipio, qui est aussi le quatrième ancêtre de Scipion Émilien. Ils sont donc parents entre eux ; chez les Hindous on les appellerait samanodacas. Dans la langue juri- diquo et religieuse de Rome, ces trois Scipions sont agnats; les deux premiers le sont entre eux au sixième degré, le troi- sième l'est avec eux au huitième.

Il n'en est pas de même de Tiberius Gracchus. Cet homme qui, d'après nos coutumes modernes, serait le plus proche parent de Scipion Émilien, n'était pas même son parent au degré le plus éloigné. Peu importe, en effet, pour Tiberius qu'il soit fils de Cornélie, la fiHe des Scipions ; ni lui ni Gor- nélie elle-même n'appartiennent à cette famille par la religion. Il n'a pas d'autres ancêtres que les Sempronius ; c'est à eux qu'il offre le repas funèbre ; en remontant la série de ses ascendants, il nerencontrcra jamais qu'un Sempronius. Scipion Émilien et Tiberius Gracchus ne sont donc pas agnats. Le lien du sang ne suffit pas pour établir cette parenté, il faut le lien du culte.

On comprend d'après cela pourquoi, aux yeux de la loi romaine, deux frères consanguins étaient agnats et deux frères utérins ne l'étaient pas. Qu'on ne dise même pas que ^ la descendance par les mâles était le principe immuable sur " lequel était fondée la parenté. Ce n'était pas à la naissante, c'était au culte que l'on reconnaissait vraiment les agnats. En effet, le fils que l'émancipation avait détaché du culte n'était plus agnat de son père; l'étranger qui avait été adopté, c'est-à-dire admis au culte, devenait l'agnat de l'adoptant et même de toute sa famille. Tant il est vrai que c'était la re- ligion qui fixait la parenté.

Sans doute il est venu un temps, pour l'Inde et la Grèce comme pour Rome, où la parenté par le culte n'a plus été la seule qui fût admise. A mesure que cette vieille religion s'affaiblit, la voix du sang parla plus haut, et la parenté par la naissance fut reconnue en droit. Les Romains appelèrent cognatio cette sorte de parenté qui était absolument indépen- dante des règles de la religion domestique. Uuand on Ut les

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