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CHAP. I. NOUVELLES CROYANCES. 417

thamps Élysées sa récompense ou allant payer la peine de ses fautes ; et par un notable progrès, on ne divinisait plus parmi les hommes que ceux que la reconnaissance ou la flat- terie faisait mettre au-dessus de l'humanité.

L'idée de la divinité se transformait peu à peu, par l'effe naturel de la puissance plus grande de l'esprit. Cette idée que l'homme avait d'abord appliquée à la force invisible qu'il sentait en lui-même, il la transporta aux puissances incompa- rablement plus grandes qu'il voyait dans la nature, en atten dant qu'il s'élevât jusqu'à la conception d'un être qui fût en dehors et au-dessus de la nature. Alors les dieux Lares et les Héros perdirent l'adoration de tout ce qui pensait.

Quant au foyer, qui ne paraît avoir eu de sens qu'autant qu'il se rattachait au culte des morts, il perdit aussi son pres- tige. On continua à avoir dans la maison un foyer domestique, à le saluer, à l'adorer, à lui offrir la libation ; mais ce n'était plus qu'un culte d'habitude, qu'aucune foi ne vivifiait plus.

Le foyer des villes ou prytanée fut entraîné insensiblement dans le discrédit oiî tombait le foyer domestique. On ne savai plus ce qu'il signifiait; on avait oublié que le feu toujours vivant du prytanée représentait la vie invisible des ancêtres, des fondateurs, des Héros nationaux. On continuait à entre- tenir ce feu, à faire les repas publics, à chanter les vieux hymnes : vaines cérémonies, dont on n'osait pas se débarrasser, mais dont nul ne comprenait plus le sens.

Même les divinités de la nature, qu'on avait associées aux foyers, changèrent de caractère. Après avoir commencé par être des divinités domestiques, après être devenues des divi- nités de cité, elles se transformèrent encore. Les hommes finirent par s'apercevoir que les êtres différents qu'ils appe- laient du nom de Jupiter, pouvaient bien n'être qu'un seul et même être ; et ainsi des autres dieux. L'esprit fut embarrassé de la multitude des divinités, et il sentit Je besoin d'en réduire le nombre. On comprit que les dieux n'appartenaient plus chacun à une famille ou à une ville, mais qu'ils appartenaient tous au genre humain et veillaient sur l'univers. Les poètes allaient de ville en ville et enseignaient aux hommes, au lieu

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